Shein au BHV : le signal d'une industrie qui court après la croissance sans se demander ce qu’elle détruit en chemin.

Shein au BHV : le signal d'une industrie qui court après la croissance sans se demander ce qu’elle détruit en chemin.

L’arrivée de Shein au BHV a marqué l’actualité de ces dernières semaines. Une décision qui a surpris autant qu’elle a choqué, au moment même où plusieurs marques quittaient le grand magasin, certaines évoquant des factures impayées et une perte de confiance.

Au-delà de la polémique sur la présence d’un géant du fast fashion dans un lieu emblématique du commerce parisien, cette alliance soulève une question essentielle : que vient faire un modèle aussi radicalement numérique et dématérialisé que celui de Shein dans un grand magasin physique ?

Shein repose sur un système à l’opposé du retail traditionnel. Chaque jour, plus de 8 000 nouveaux produits sont mis en ligne. La majorité d’entre eux sont générés par intelligence artificielle à partir de données collectées sur les réseaux sociaux et les tendances. Les modèles les plus cliqués sont ensuite produits très vite, à très bas coût, souvent en copiant des designs existants, volés à des petits créateurs. 

Cette logique de test permanent repose sur un principe simple : ne rien stocker, ne rien anticiper, produire à la demande, sans se prendre la tête avec des contraintes sociales, fiscales ou écologiques. (ils cassent tout). 

C’est précisément ce qui permet à la marque de vendre un t-shirt à trois euros. Ce modèle tient parce qu’il externalise tous ses coûts : main-d’œuvre sous-payée, absence d’impôts, production massive en Asie, transport aérien, matières premières synthétiques bon marché.

Le BHV, à l’inverse, repose sur un modèle lourd, fondé sur la gestion d’espaces, de stocks, de marges et de relations fournisseurs. Dans ce cadre, l’installation de Shein ne peut pas être rentable. C’est une opération de communication. Un signal envoyé à l’Europe : “Nous sommes capables d’être partout, même dans vos institutions historiques.” Un geste de pouvoir, pas une stratégie commerciale.

Plusieurs acteurs institutionnels s’en sont d’ailleurs émus. La Banque des Territoires a annoncé son retrait du projet en évoquant une rupture de confiance, tandis que des marques installées de longue date au BHV dénoncent une perte de sens et de cohérence. 

Ce rapprochement révèle une inquiétante banalisation. Celle d’un modèle fondé sur la démesure algorithmique, la vitesse et la destruction de valeur au sens large: économique, sociale, culturelle. L’idée qu’un acteur comme Shein puisse s’installer dans le cœur du commerce français sans réaction politique ni régulation sérieuse doit interroger.

Il devient urgent d’agir à deux niveaux. D’abord au niveau législatif, en imposant des contraintes fiscales, sociales et environnementales à la hauteur des enjeux. Mais aussi au niveau citoyen : par nos choix de consommation, par le soutien aux marques responsables, par le refus de cautionner un modèle dont les conséquences à long terme sont désastreuses.

Shein au BHV n’est pas un accident. C’est un signal. Celui d’une industrie qui court après la croissance sans se demander ce qu’elle détruit en chemin.

Retour au blog

Laisser un commentaire